- Author, Isidore Kouwonou
- Role, BBC Afrique
Les députés sénégalais réunis lundi en séance plénière, à la demande de l'exécutif, ont rejeté à la majorité le projet de loi qui visait à supprimer les institutions consultatives que sont le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT).
La coalition de l’opposition Benoo Bokk Yakaar qui est majoritaire à l’Assemblée nationale a rejeté lundi soir le projet de loi portant suppression du Conseil économique social et environnemental (CESE) et du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT).
83 députés ont voté contre et 80 ont voté pour la suppression de ces deux institutions.
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La couleur était annoncée dès le samedi, avec le rejet par la Commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits de l’homme de l’Assemblée nationale du projet de loi portant une modification de la Constitution en vue de supprimer le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et le Conseil économique social et environnemental (CESE).
La procédure de suppression des deux organes a été entamée le 26 août, avec la convocation par le président Bassirou Diomaye d'une session extraordinaire de l’Assemblée nationale pour l’examen du projet de loi de modification de la Constitution aux fins de la dissolution des deux institutions, puisque leur création et fonctionnement sont régis par des dispositions contenues dans la loi fondamentale.
Quelle est la réaction de l'Exécutif suite au rejet ?
La Présidence de la République du Sénégal n'a pas tardé à réagir. Dans un communiqué publié sur X et signé "par le ministre conseiller et porte-parole Ousseynou Ly, le président Bassirou Diomaye Faye dit prendre acte du rejet du projet de loi.
"Le rejet du projet de loi portant révision de la Constitution, visant la dissolution du HCCT et du CESE, renseigne à suffisance, s'il en est besoin, sur la rupture profonde entre les députés de la majorité et les aspirations populaires qui se sont massivement exprimées lors de l'élection présidentielle du 24 mars 2024", ajoute le communiqué.
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Que pourra-t-il se passer après le rejet du projet de loi ?
Beaucoup d'observateurs se sont posé la question de savoir si le président Faye dispose de la majorité qualifiée pour faire passer cette loi de modification de la constitution à l’Assemblée nationale majoritairement composée d’opposants et de la marge de manœuvre dont il a pour modifier la constitution dans le sens voulu.
Leur doute a été confirmé par le rejet de l'opposition parlementaire du projet de loi.
Cependant, il reste que le président de la République a toute la latitude de dissoudre l’Assemblée nationale qui aura ses deux années d’existence le 12 septembre prochain et organiser des élections législatives anticipées. Si le Pastef remporte ces élections, la volonté du pouvoir de supprimer les deux institutions sera vraisemblablement actée.
D'autres voix proches du pouvoir appellent plutôt le président Faye à convoquer un référendum et s'appuyer sur la volonté populaire pour supprimer le CESE et le HCCT. C'est le cas de Me Moussa Diop, leader de l'Alliance générationnelle Jotna, qui dans un post Facebook a réagi au vote de la Commission des lois de l'Assemblée nationale qui a rejeté le projet de réforme constitutionnelle.
Face à cette situation, la majorité Benno Bokk Yaakaar compte ne pas se laisser faire. Par la voix de son président de groupe parlementaire Abdou Mbow, elle annonce le dépôt d'une motion de censure aujourd'jui pour faire tomber le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko.
Pourquoi le président Diomaye Faye veut supprimer les deux institutions ?
Eliminer les institutions jugées budgétivores et rationnaliser les dépenses publiques. Ce sont deux points contenus dans le " Projet", c’est-à-dire le programme du Pastef, une vision du duo Diomaye-Sonko, rendue publique lors des campagnes électorales. Selon des observateurs, l’heure a sonné pour mettre en œuvre ce projet.
Le nouveau régime incarné par Bassirou Diomaye Faye met en branle la machine devant dissoudre ces institutions qui ne sont pas indispensables au Sénégal, mais qui constituent un gouffre budgétaire pour le pays, selon ses propres termes.
Ainsi, après la Commission nationale du dialogue des territoires (CNDT) la semaine dernière, le président sénégalais met le cap sur le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), avec son service de communication qui a annoncé lundi leur dissolution.
Cela a été réitéré dans le communiqué ayant sanctionné le Conseil des ministres de ce mercredi 28 août. "Le Chef de l’État a informé le Conseil avoir convoqué l’Assemblée nationale en session extraordinaire sur un projet de loi portant révision de la Constitution. Ce texte propose la dissolution du Haut Conseil des Collectivités territoriales et du Conseil économique, social et environnemental, deux institutions de la République consacrées par l’article 6 de la Constitution", indique le communiqué final.
Et d'ajouter : "Cette proposition entre dans le cadre du raffermissement des réformes constitutionnelles, l’amélioration continue du processus de prise de décision des pouvoirs publics et la rationalisation systématique des charges de l’Etat, différents piliers de la doctrine de transformation de la gouvernance publique voulue à travers la mise en œuvre accélérée du projet".
Ces deux institutions de la République cumulent un budget de près de 15 milliards de francs CFA, selon le budget de l’État. L’opinion sénégalaise a toujours demandé la suppression de ces institutions budgétivores.
Les dirigeants actuels, lorsqu’ils étaient dans l’opposition, critiquaient avec véhémence la mise en place de ces institutions qu’ils trouvent "inutiles" et "trop budgétivores". Elles ont été créées, selon eux, pour permettre à l’ancien régime de Macky Sall de caser ses amis.
La volonté de suppression de ces institutions relève donc d’une promesse de campagne. Selon des analystes, cette dissolution devrait être actée depuis un moment. Mais certaines contraintes politiques majeures, dont le rapport de force à l’Assemblée nationale, retardent les choses.
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Missions du CESE et du HCCT au Sénégal
Le Conseil économique, social et environnemental est la troisième assemblée constitutionnelle du Sénégal. C’est une assemblée consultative qui peut être saisie par le Président de la République, l’Assemblée Nationale ou le Premier ministre au nom du Gouvernement, pour des demandes d’avis ou d’études.
Composé des forces vives de la Nation, le CESE examine les évolutions en matière économique, sociale et environnementale et suggère les adaptations nécessaires. Il promeut une politique de dialogue et de coopération avec les Collectivités locales et les organismes similaires étrangers.
Le CESE a également pour mission de se saisir de l’examen de questions économiques, sociales et financières, d’entreprendre à cet effet les études et enquêtes nécessaires et d’émettre en conclusion, les avis et suggestions de réforme qui lui paraissent de nature à favoriser le développement économique, social et environnemental de la nation.
Les dispositions prévoient aussi une saisine par des citoyens sénégalais. Dans ce cas, ce doit être une pétition comprenant 5 000 signatures de toute question à caractère économique, social et environnemental.
Quant au Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), il est créé par la Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la constitution et adoptée suite au référendum du 20 mars 2016.
C’est un organe consultatif chargé d’étudier et de donner un avis motivé sur les politiques de décentralisation, d’aménagement et de développement du territoire. Il est chargé aussi d’assurer la concertation et le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales afin de réussir à concilier la décentralisation et l’aménagement du territoire.
Le HCCT s’appuie donc sur onze (11) commissions techniques chargées de procéder à la préparation des projets de rapport et d’avis qui seront soumis à la validation de la plénière.
Ces autres institutions dans le viseur du pouvoir
Il y a une semaine, c’est la Commission nationale du dialogue des territoires (CNDT) qui a été dissoute par le nouvel exécutif. Cette institution a été créée en décembre 2015 par Macky Sall et avait pour mission d’accompagner le chef de l’État dans la définition des mécanismes de coopération territoriale et d’aider les collectivités locales à former des groupements d’intérêt communal et des établissements publics territoriaux.
L’Assemblée nationale figure parmi les institutions qui sont en attente d’être dissoutes. La quatorzième législature sénégalaise est sur le point d’atteindre ses deux ans en mi-septembre prochain. Conformément à la Constitution, elle peut être dissoute par le Président de la République.
Des informations indiquent que Bassirou Diomaye Faye a déjà demandé l’avis du Conseil constitutionnel sur la date indiquée pour le faire. Les dernières élections législatives se sont déroulées dans le pays le 31 juillet 2022.
Il y a également le Haut conseil du dialogue social (HCDS) qui est visé par la vague de dissolution d’institutions budgétivores au Sénégal.